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LE DERNIER COL
3 novembre 2006

6ième étape : Marseille - Sault. 128 Km. Lundi 12 Septembre 1994

6ième étape : Marseille - Sault. 128 Km. Lundi 12 Septembre 1994 Cette sixième journée m’amène à travers la Provence du nord. Elle cherche à préparer le départ vers le mont Ventoux dont l’ascension comme celle du mont Mézenc était recherchée depuis 1992. Une petite marche d’approche, au petit kilométrage et sur des routes tranquilles, avant d’entamer le grand retour vers la Seine-et-Marne ! Départ 07h25 Arrivée 14h45 Météo : « Et dire qu’il avait fait si beau la veille ! » Depuis le départ de Cesson, le même schéma météo revient souvent : mauvais temps le matin, beau temps en fin de matinée et dans l’après-midi. Je quitte en effet Marseille sous un ciel gris et humide dès le départ. La pluie me rejoindra un peu plus tard au Sud d’Aix-en-Provence à Calas. Il pleut si fort que je suis contraint d’utiliser les chaussons imperméables et la cape. Et dire qu’il avait fait si beau la veille ! Elle s’installera ainsi pendant une bonne demi-heure puis une bruine entrecoupée d’accalmie finira une partie de la matinée jusqu’aux Montagnes du Lubéron. L’après-midi s’annonce chaud,voir très chaud : je suis obligé de rouler en short et en t-shirt. Physique : Je ne ressens pas de fatigue générale. Ma condition physique est bonne et reste stable. De plus Je n’ai pas mal au dos malgré plusieurs jours de portage et les efforts d’escalade effectués la veille. Cet état me permet de progresser sans peine au vue de la faible distance de cette journée et de franchir les quelques reliefs dans les délais que j’avais prévu. Je remarque que je finis correctement chaque étape. Cette situation est rassurante : elle est un bon indicateur de la condition physique. Je sais par avance que je pourrais récupérer sans mal et bénéficier ainsi plus que d’un très bon sommeil. Performance : « savoir se ménager au lieu de se dépenser » Je profite des plats que m’offre la route pour m’exercer à la vitesse : 32 à 37 Km/h selon les endroits. Dans les reliefs, ma vitesse chute lourdement : 15 à 22 Km/h dans le Lubéron et vers les massifs qui jouxtent la partie sud du plateau d’Albion. Il faut dire qu’il fait très chaud et cette contrainte m’impose de ne pas gaspiller mon énergie inutilement. Au contraire du cyclosportif, le cyclotouriste, celui qui enchaîne les distances sur plusieurs jours d’affilés, doit savoir se ménager au lieu de se dépenser. Sur le plateau d’Albion, j’accuse 37 Km/h sur les 11 à 15 derniers Km. Là, je m’éclate ! Moral : « un esprit libre et détaché » Mon moral est à l’image de mon physique. Je ne m’inquiète pas des efforts à fournir sur les prochains jours ni de ce qui peut m’attendre. De plus mon matériel est resté fiable : ni défaillance mécanique, ni crevaison. Je m’engage sur les routes avec un esprit libre et détaché. Une impression d’osmose entre moi-même, mon matériel et l’environnement dans lequel j’évolue semble me combler depuis le Puy-en-Velay. Relief : Le parcours n’est pas difficile. Il est un ensemble moyen composé de plats et de légères descentes. Il est caractérisé par deux lourds reliefs qui ont l’avantage d’etre localisés : La montagne du Lubéron qui offre un passage aisé et régulier jusqu’au col Le Pointu avant une descente plutôt rapide sur Apt puis la progression assez longue vers le plateau d’Albion sur la route de Jean-Jean et Rustrel en plein soleil et ou la chaleur m’a imposé plusieurs arrêts. Avant le Lubéron, on traversera la minuscule chaîne de la Trévaresse dans sa largeur. Au moment de l’étude du parcours, quelques mois avant le départ, la localisation des reliefs permet de connaître tout de suite le niveau de difficulté et de préciser les lieux exactes où un effort est nécessaire. On maîtrisera ainsi mieux la gestion de son effort. Je mets à mon actif le 3ième col de cet aller et retour vers Marseille : le col Le Pointu ( 499 ) ,petit certes mais un col quand même ! Paysage - Curiosité : « plantés au milieu de nulle part, ses ruines tombent sous la végétation » La partie la plus intéressante se révèle à Cadenet et au-delà. Une fois la Durance franchie, la route remonte les combes tortueuses de Lourmarin vers le col Le Pointu. Entre le massif des Cèdres et le Grand Lubéron, on s’enfonce dans un paysage de gorges et de falaises où tout semble se mélanger à l’infini : les forets de pins, de chênes et de cèdres tapissent les versants avec la rocaille, la lavande, le romarin, le thym et la garrigue. À certains endroits, je pouvais d’ailleurs ressentir certaines saveurs et parfums. La foret est très dense, presque impénétrable, jusqu’à recouvrir les versants des falaises de calcaire. Sur ma droite avant d’accéder au col, l’Aigue Brun, qui se jette dans la Durance, creuse sa route dans un paysage de gorges et de montagnes submergées de forets. L’isolement est total. Le silence aussi. Seul s’entend l’appel des rapaces évoluant dans le ciel. Dans cette solitude, l’immense ciel bleu ajoute une dimension supplémentaire à ce paysage. La même impression ressentie en approchant la Cèze effleure l’esprit : une nature immense et authentique. Un microcosme sauvage. Et c’est dans ce mélange de forets et de rochers de bout du Monde, que je découvre soudain le prieuré de Saint-Symphorien. Comme surgissant d’un coup de plusieurs siècles, plantés au milieu de nulle part, ses ruines tombent sous la végétation. Seul son cloché roman haut de six ou sept étages se dresse fièrement vers le ciel presque intact au-dessus des arbres. Plus loin, mais je ne peux l’apercevoir, la foret cache les ruines d’un fort,construit en plein Lubéron,là où aucune route ne mène ! Le fort de Buoux. Je suis frappé, même encore aujourd’hui, par la foi qui portait ces gens à construire de tels édifices et citadelles dans ces lieux impossibles. Incroyable ! On retiendra les deux seuls villages jonchés sur ma route : à l’entrée du Lubéron Lourmarin avec ses maisons aux pierres rosées, ses rues sinueuses aux passages voûtés, son château puis Les tourettes (15 Km plus loin ! ) petit lieu-dit découvert dans la descente sur Apt. Le col du pointu et la descente sur Apt, très rapide, m’offre la première rencontre avec le plateau du Vaucluse. Il s étend au Nord au-dessus des reliefs qui jalonnent Apt. Au loin, sur la ligne d’horizon, se profile la pointe blanche du mont Ventoux. Du regard, j’embrasse tout le panorama d’Est en Ouest. Cette immensité me fait aussi comprendre que la route est encore longue. D’ Apt à Saint-Christol, sur la route de Rustrel, le paysage est montagneux et forestier. La route n’est pas si difficile en soi mais elle se trouve aujourd’hui exposée en plein soleil. Il fait chaud. Il fait même très chaud. Je suis obligé de m’arrêter à Rustrel. Ce petit village de Provence est comme un océan de fraîcheur. Je rejoins la terrasse ombragée d’un petit café pour faire une pause méritée. Sûrement la seule pause de tout le parcours. La route remonte le cours du Doa avant d’arriver à Saint Christol puis le plateau d’Albion. De l’autre côté de cette petite rivière, on peut admirer le Colorado avec ses carrières ocre, ses falaises jaunes et rouges aux parois déchiquetées par l’érosion. Curiosité : « une vie ancestrale depuis la nuit des temps » On retiendra surtout Lourmarin, Rustrel et Saint-Christol. Ces petits villages m’ont paru authentiques. Ils ont su conserver leur architecture d’origine, leurs rues anciennes et leurs façades de vieilles pierres. Une harmonie qui leur confère ce charme que l’on donne aux villages de Provence. Apt est un centre commerçant dont la vieille ville s’organise autour de rues étroites et de places ombragées. Apt doit sa célébrité comme la capitale mondiale des fruits confits. Sault est le dernier village avant le mont Ventoux. Par temps clair il offre une vue imprenable sur les gorges de la Nesque. Toute la région qui s’étend sur le plateau du Vaucluse dispose de nombreuses origines préhistoriques : les alentours de Banon, Simiane la Rotonde, Sault et Aurel peuvent donner cette image de création des origines. D’ailleurs, depuis le Lubéron où l’on trouve des abris en pierre sèche, les bories, dont l’origine remonte à des millénaires, le paysage sauvage, la végétation généreuse et les multiples sanctuaires creusés dans la roche ou les gouffres comme celui de Caladaire permettent d’imaginer que pouvait se développer ici une vie ancestrale depuis la nuit des temps. L'hôtel où j'ai logé se nomme La rabasse. Il est accueillant et calme. Il faut dire que Sault est un petit village qui n’attire pas les foules au mois de Septembre. Dès 20 heures les rues ne sont plus fréquentées et les voitures ne s’arrêtent pas. Dans la journée, je me suis contenté d’un sandwich au jambon et d’un deuxième au fromage. Quelques grappes de raisins saisies dans les vignes ou dans les remorques de petits tracteurs que je doublais ont aussi fait l’affaire. Le soir a été un vrai régal : une salade paysanne, deux escalopes de dindes aux légumes et un plateau de fromage pour couronner le dessert.
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